Ceci est la version exhaustive de mon tour de France durant lété 1985. La forme sera une transcription littérale du journal de bord écrit au jour le jour auquel sajouteront les commentaires, réflexions du narrateur. Le récit commence donc à Paris, où lon a planifié à linstigation de Frank-Henri une découverte des côtes françaises en vélo
Je note soigneusement toutes mes affaires pour ne pas en oublier le long de la route. Je retranscris lensemble classé sous trois grandes catégories:
Début des vacances et attente sur le quai, on cherche Frank-Henri (FH) qui est déjà dans le train, finalement on se retrouve gros Jean comme devant, plus une place. Puis après avoir soutiré un tuyau au contrôleur, on se dirige vers lavant du train. On sassoie alors dans quatre merveilleuses places, on joue au bridge et on déconne un peu. Arrivée tard en gare de Saint Malo, on bouffe dans une crêperie délicieuse et on se couche dans le dortoir de lauberge de Jeunesse.
Enfin une chambre, nous prenons nos quartiers. Nous commençons par une visite de Saint Malo: les remparts (monuments en lui-même) avec les plages à leurs pieds, les glaces (à déguster), le baby-foot. On prend nos premiers coups de soleil de Bretagne, surtout Jean-Charles (JC). Nous enchaînons sur une visite intéressante, culturelle et scientifique de lExotarium, en un mot sadique. On est passé à lheure des repas (après sêtre renseigné sur lhoraire), donc on a vu les souris vivantes se faire tuer par les serpents, le piles de poulet pour les alligators. Cétait pas mal. Axel est en grande forme, il rentre dans les WC en hurlant: "ça pue la merde" et on entend un bruit de chasse deau ! Heureusement, il y 99,99% détrangers dans lauberge. Pizzeria et baignade.
Aller-retour à Dinan dans la journée, on se rode par une petite balade de 70 kilomètres en passant par la Rance. On a failli, mais vraiment faire un détour par Combourg, lieu dhabitation de Chateaubriand. JC et moi étions surtout partant, les autres étaient à plat. On en profite pour faire un bridge sur lherbe. On visite le château dAnne de Bretagne et la Tour de lhorloge. Que de marches à monter ! Retour tardif et crevé. La montée de la Rance, cétait dur.
On récupère, les fesses ne sont heureusement pas trop douloureuses, le genou tient bien le choc (heureusement !). Nous partons en croisière au Cap Fréhel par un temps couvert (voire pluvieux, si si). On va dîner à Saint Servan mais pas loin, hum 150 F de vin, ça fait du bien, le retour est difficile mais pas trop euphorique, on se couche vers 1 AM. Dans le cadre de blague de potache, Axel a demandé à des charmantes inconnues "un peu" effrayées par larrivée tardive de ce dernier à une heure tardive.
Nous avons planifié la visite du Mont Saint Michel, nous partons tôt, car il faut faire 50 kilomètres de route côtière environ. On arrive en deux heures, beaucoup plus tôt que prévu, petite frayeur pour le déjeuner (laquelle, je nai plus de souvenir). Nous visitons labbaye avec un très bon guide (vietnamien, ou de cette région dextrême orient). Nous revenons sur un rythme beaucoup moins rapide, Axel et FH sont très fatigués (cest un terme pudique !), le vent sest levé et il fait un peu plus chaud, mais cela nexplique pas tout. En fait les deux gaillards sont HS (sans doute la très célèbre fringale des cyclistes ?).
Nous dînons de 2 litres de glace pour 4. Les teutonnes se retournent un peu étonnées de notre volume de nourriture (boufferie). Nous enchaînons par une grosse déconnade sous la douche (à grand coup de jets deau) pour la plus grande joie des teutonnes qui sesclaffent. Il faut dire quil y a plus de 70% de filles dans lauberge ! On samuse bien merci pour nous. Nous finissons par nous coucher vers 1 AM.
Lever tardif, déjeuner à Dinard, matage de diverses beautés du paysage. Photo au retardateur sur une mer bleue extra, style Caraïbes ou Bahamas. Bridge au soleil, pour rester bien dans le ton local. Il faut se rappeler les naïades massant de gros porcs avec de lhuile solaire pour laisser une odeur de peau rissolée.
Le soir, nous enchaînons baby et bridge, on reprend les plaisanteries avec les allemandes. Deux commencent à rentrer dans notre chambre, on défend vaillamment le territoire français de lenvahissement du territoire, non mais ! Axel, décidément en grande forme depuis le coup de la douche commence à jouer du tabouret, nous échangeons des coups par plafond ou sol interposé. Nous finissons par descendre et Steffi nous attend, mais le veilleur est là !
Réveil tôt, Axel part, je laccompagne à la gare, cest triste enfin, il part pour sa PMS, ouaf, ouaf !
Messe et bonne bouffe pour 20 F par personne. Nous évitons le Grand Prix de France de Formule 1 à la télé, assistons au début de la finale des Internationaux de Roland-Garros. Nous partons à la plage à 3 pas avec FH mais avec André, un apprenti peintre. Coïncidence: deux filles font exactement les mêmes gestes que les nôtres avec quelques temps de retard. Il faut avouer quil ny a pas vingt manières de se passer de la crème solaire. On prend des croquettes de poissons, puis on se balade sur la plage.
Grande pêche potache daffaires en tout genre sur le balcon de dessous: maillots, serviettes en tout genre. Résultat, encore des allées venues dallemandes et des rondes de veilleur de nuit noir(e) (astuce !), et on se couche très tôt (re-astuce): 1:30 du matin.
Les affaires ont été préparées et empaquetées hier soir, on nest pas très frais, on récupère du chahut de la veille, on va chercher la bouffe: méga omelette délicieuse. Bonne partie de tennis avec JC, mais on termine avec des ampoules aux pieds, ce qui est assez normal vu létat des chaussures.
On revoie les allemandes on sait tout de leur emploi du temps et de leurs états dâme. Dommage que lon parte pour Nantes aujourdhui, les affaires commençaient vraiment à prendre une tournure sympathique. On part, snif, snif et on oublie la carte des auberges de jeunesse. Le trajet en train est dun ennui mortel avec deux changements. De plus, je traîne mon rhume et jai une poussée de fièvre, je grelotte un peu.
Arrivée difficile à lAuberge des Jeunes Travailleurs, on a un peu cherché où cela se trouvait. Il fait plutôt chaud. La nuit sannonce bénéfique pour moi mais bruyante pour mes colocataires, car le rhume provoque des ronflements.
La nourriture prise était dégueulasse, joublie le menu. Nous avons visité le très beau château dAnne de Bretagne, le Jardin des Plantes. Nous sommes passé à la banque. JC a failli sauter de fatigue sur son lit avec ses chaussures. On samuse toujours autant et comme dirait FH : "Oukaïdi, Oukaïda"
Il faut noter la blague suivante : "Tu mens comme tu respires et tu nas jamais su retenir ta respiration bien longtemps."
Lever encore tôt, comme hier et sans doute demain. Nous allons visiter Le Musée des Beaux-Arts le matin. Il y a une superbe salle blanche centrale avec une sculpture noire moderne qui centre lespace autour. Cest assez joli. Au détour des galeries où nous esclaffons sur certains prix, un portrait mattire lil, cest un très beau Ingres dont on a limpression que la main va sortir du tableau. Ensuite, nous enchaînons sur le musée dHistoire Naturelle, nous découvrons beaucoup, beaucoup doiseaux et quelques bizarreries génétiques dans du formol. Finalement, nous revenons faire une sieste et déjeuner au Restaurant Universitaire (RU).
Départ de Nantes relativement tôt et comme prévu. La randonnée jusquà Saint Brévin est assez facile. En fait, nous avons fait les soixante dix kilomètres environ sur un rythme très tranquille. Et ce ne fut pas trop dur. FH a cassé son moyeu de roue, il faut donc réparer. Nous avons profité de la plage de Saint Brévin les Pins pour bronzer, en fait cest plutôt re-cramer. Dîner énorme avec un kilo de spaghettis délicieuses, il doit en rester 750 grammes tellement on a rajouté de condiments: Fromage râpé, sauce bolognaise.
Nous glandons tranquillement sur la plage de Saint Brévin lOcéan. Nous sortons le soir au Sphinx, cest lépoque de Bronski Beat (?) et de nos danses skas avec JC. Retour vers 4 heures du matin.
Le Pont de Saint Nazaire, direction la Baule, nous refaisons le coup de lécrevisse, peaufinons notre bronzage. FH arrive même à être légèrement halé. Nous revenons rapidement, environ 35 kilomètres en 1 heure 1/4. Nous sommes lessivés, crevés, fatigués et morts de fatigue Nous sommes repassés au-dessus du pont très tranquillement, au ralenti. Raté super concert à la télé (?)
Départ de JC, il a failli perdre sa montre en loubliant. Saint Brévin, son église et son marché sont les curiosités locales qui valent le déplacement (et ses plages). Départ après le saucissonnage. Nous faisons le trajet avec difficulté car nous avons toujours le vent de face. Finalement, nous parcourons les 70 kilomètres en 3 heures ce qui fait que lon a fait plus de 20 kilomètres/heure. Cest quand même pas si mal, non ?
Lever tardif, nous couchons en dortoir de 12, nous achetons beaucoup de nourriture et largent part avec Dans le cadre des folles dépenses, nous en profitons pour voir Greystoke au cinéma.
Lever de plus en plus tardif, mais heureusement un petit déjeuner très consistant nous remet daplomb. Visite du Luna Park, mais tout est fermé. Retour pour le déjeuner, puis visite de Sallertaine, ville que lon peut oublier, sur le chemin du retour, nous repassons par le Luna Park pour voir les attractions. Nous mettons au point notre plan de bataille pour demain. Côté bilan, il faut signaler la perte dune pompe par moi hier et de 100 francs par FH aujourdhui.
Lever à 7 heures du matin pour aller à lîle dYeu, visite de cette île interdite aux voitures. Cest superbe, les paysages restent sauvages, les villages sont petits et présentent un moindre intérêt. Cest tout petit, on en fait rapidement le tour. Il ne faisait pas très beau et nous avons eu un peu de bruine. Le fort du maréchal est couvert dherbe folle (presque en ruines), il sert de lieu pour des colonies de vacances! Le cimetière est très bien entretenu, jai été très ému devant la tombe, la pensée de lhistoire de cet homme si controversée. Il faut retenir ces petits chemins caillouteux et surtout que lon peut louer sur place des vélos, ce qui est moins cher et moins contraignant que de les faire passer sur le bac ! Nous nous lançons dans une partie de ping-pong en retard. Nous avons encore fait une soixante de kilomètres.
Lever tard, parti tard, cest implacable. Nous parcourons les premiers kilomètres lentement jusquà Saint Gilles. Nous sommes partis pour un aller-retour alors autant économiser les forces. Nous allons visiter le parc Aqualand de Saint Hilaire. Cest malheureusement, un Merlin Plage en construction, vraiment dommage, ça promet dêtre beau dans le futur. Sur le retour, nous faisons un détour pour aller jusquà Saint Gilles, cest assez beau, puis on a foncé à 25 kilomètres/heure pour se défouler un peu. Jai réparé les sacoches de vélo dont les attaches ont la fâcheuse tendance à se dévisser. Visite de la bibliothèque, où japerçois une jeune fille passionnée par un essai sur la sexualité de S. Freud, petite vicieuse Retour à lAuberge avec les provisions achetées sous la pluie. Demain, cest le départ pour La Rochelle. Ce soir, on dort sous la tente, après une partie de tarot jusquà minuit.
La journée commence mal. Au moment où lon veut partir, il pleut une grosse demi-heure. Nous retardons le départ, mais les vélos sont mouillés. Les sacs sont mis en place, le départ final a lieu à 11:30. On roule bien Vers 13:15, je veux marrêter pour bouffer mais finalement, on continue sur la lancée. Sur les petites routes, les villages sespacent et vers 14 heures, tout est fermé. Enfin, ça va, car on traverse les anciens (?) marais salants le vent dans le dos et cela nous aide bien. Depuis le temps que lon attendait cette aide. Moi, je sens un peu la fatigue quand même. On sarrête une ou deux fois pour se désaltérer et pour suivre les conseils de papa, je prends du sel (ce sont nos seules provisions car nous voulions rouler léger). Je maudis intérieurement FH, mais comme il ny a plus de villages alors on continue je suis encore en état de rouler et comme on nest plus quà 25 kilomètres de La Rochelle, autant continuer. Subitement, la route fait un angle droit et le vent qui nous poussait, devient insidieusement un vent de côté (et un peu trop) de face. Ca me coupe littéralement les jambes, je force sur le vélo, mais cest pitoyable, on se traîne sur les routes. Nous navons pas de village prévu sur la carte avant 10 bons kilomètres. Ca fait maintenant plus de 3 heures et demi que lon est sur ces vélos et ce p de vent naide vraiment pas. On navance vraiment plus, je descends les vitesses pour essayer de me relancer, mais jarrive finalement à court de vitesse. Je mouline, finalement, après avoir fait plus de 3 arrêts en moins de 15 kilomètres, on décide de faire une pause dans lherbe dun champ. On sendort tranquillement pendant près dune heure. Même reposé, on a vraiment du mal à lutter contre le vent pour terminer les derniers kilomètres. Au premier village rencontré (Villelousa), à la première épicerie, on achète et dévore une plaque et demi de chocolat par personne. Grâce à laide de cette énergie, je repars de plus belle. FH lui est KO ou dort encore, il se mange un trottoir sans gravité. Larrivée dans La Rochelle est euphorique, une fois le panneau de la ville passé.
On est vraiment mort, quel p de vent. Vraiment, sans le vent, cela aurait été une promenade de santé. Réservation à lAuberge de Jeunesse et nous partons à la Gare récupérer le correspondant américain de FH, tout fraîchement débarqué de Roissy. Il est très sympa. Nous prenons finalement la douche que jattends depuis 150 kilomètres. Ca fait du bien. Nous végétons devant des programmes TV débiles pendant 2 heures, en fait on discute de tout et de rien avec les autres légumes. La TV nest quun bruit de fond sonore. Il y avait même Chantal Goya (à la TV) pas parmi les spectateurs. Enfin, on est arrivé mais quelle galère.
Quelques musées, dégustés quelques pâtisseries. Encore des musées, retour à lAuberge et nous écrivons quelques cartes. Les comptes salourdissent.
Messe, Musée Océanographique et musée de la seconde guerre mondiale. Encore des cartes postales, nous déjeunons de quelques sandwichs (économies ?) avec mon couteau suisse pour trois et pas de cuillère pour les yaourts. Le soir, pour contrebalancer, nous allons au restaurant chinois, il est OK.
Lever tôt, nous partons après un petit déjeuner long à prendre à cause de la queue. Départ dans les banques. On ne peut encaisser le chèque à la BNP. De plus le Crédit Agricole est fermé. Entre temps, jai couru à la poste pour acheter des timbres. Les cartes sont parties. Retour à la case départ, il est 10:30. Le voyage commence. Mais FH a oublié son cadenas on fait demi-tour et 30 minutes plus tard on est reparti on a aussi oublié les cartes. Cette fois, on ne fait pas demi-tour. Ensuite, David malade comme un chien (il a la tourista) enchaîne ennui de dérailleurs les uns à la suite des autres. Il a vraiment la poisse, il avait crevé son pneu hier.
Nous visitons Brouage, nous en profitons aussi pour faire une pause. David traîne la patte un peu. A vingt kilomètres de Saintes, je fonce acheter de quoi faire un solide dîner: des pâtes pour changer ! On se retrouve sur le parking alors que je sors du magasin. Je remarque que jai crevé. Je change la chambre à air ce soir. David est vraiment lessivé. Nous ça va, on a plus lhabitude et on nest pas fatigué par le décalage horaire dun vol transatlantique.
La bouffe nétait pas super : des pâtes avec une sauce pas assez liquide. On visite Saintes à deux FH et moi. David est encore malade. Nous arrivons à Garde-Epée, comme des guerriers glorieusement crasseux. David va mieux et est resté stoïque sur sa bicyclette. Nous avons perdu la clef du cadenas sur le trajet!
Là sarrête le périple en vélo, personnellement, jaurais bien continué, cétait assez amusant et tellement changeant. Mais FH en avait assez et en plus David était encore un peu souffrant. Quel dommage !
Jespère pouvoir me relire ce sera mon dernier mot.
Jai malheureusement arrêté mon journal de bord. Les journées à Garde-Epée se passent dans une atmosphère cool de glande agrémentées de parties de tennis si ce nest acharnées du moins fatigantes. La chaleur naide pas. Piscine le matin, pour se détendre avant le tennis. Il faut aussi se rappeler de la correspondante anglaise Marianne en larmes dêtre perdue au milieu de la France que David tente de consoler. Finalement, elle partira au beau de 15 jours, trop triste. On népiloguera pas sur des conversations sur tout et rien qui percent les nuits.
Arrivée à Izarra, la maison est dans un état indescriptible. Saleté et travaux constituent le quotidien. Enfin, il ne faut pas oublier la plage et les orgies à lauberge de Curutcheta avec les menus à rallonge, à Arcangues, ou à la concha.