Tour de France

Introduction

Ceci est la version exhaustive de ‘mon’ tour de France durant l’été 1985. La forme sera une transcription littérale du journal de bord écrit au jour le jour auquel s’ajouteront les commentaires, réflexions du narrateur. Le récit commence donc à Paris, où l’on a planifié à l’instigation de Frank-Henri une découverte des côtes françaises en vélo…

Avant le départ

Je note soigneusement toutes mes affaires pour ne pas en oublier le long de la route. Je retranscris l’ensemble classé sous trois grandes catégories:

Lundi 01/07

Début des vacances et attente sur le quai, on cherche Frank-Henri (FH) qui est déjà dans le train, finalement on se retrouve gros Jean comme devant, plus une place. Puis après avoir soutiré un tuyau au contrôleur, on se dirige vers l’avant du train. On s’assoie alors dans quatre merveilleuses places, on joue au bridge et on déconne un peu. Arrivée tard en gare de Saint Malo, on bouffe dans une crêperie délicieuse et on se couche dans le dortoir de l’auberge de Jeunesse.

Mardi 02/07

Enfin une chambre, nous prenons nos quartiers. Nous commençons par une visite de Saint Malo: les remparts (monuments en lui-même) avec les plages à leurs pieds, les glaces (à déguster), le baby-foot. On prend nos premiers coups de soleil de Bretagne, surtout Jean-Charles (JC). Nous enchaînons sur une visite intéressante, culturelle et scientifique de l’Exotarium, en un mot sadique. On est passé à l’heure des repas (après s’être renseigné sur l’horaire), donc on a vu les souris vivantes se faire tuer par les serpents, le piles de poulet pour les alligators. C’était pas mal. Axel est en grande forme, il rentre dans les WC en hurlant: "ça pue la merde" et on entend un bruit de chasse d’eau ! Heureusement, il y 99,99% d’étrangers dans l’auberge. Pizzeria et baignade.

Mercredi 03/07

Aller-retour à Dinan dans la journée, on se rode par une petite balade de 70 kilomètres en passant par la Rance. On a failli, mais vraiment faire un détour par Combourg, lieu d’habitation de Chateaubriand. JC et moi étions surtout partant, les autres étaient à plat. On en profite pour faire un bridge sur l’herbe. On visite le château d’Anne de Bretagne et la Tour de l’horloge. Que de marches à monter ! Retour tardif et crevé. La montée de la Rance, c’était dur.

Jeudi 04/07

On récupère, les fesses ne sont heureusement pas trop douloureuses, le genou tient bien le choc (heureusement !). Nous partons en croisière au Cap Fréhel par un temps couvert (voire pluvieux, si si). On va dîner à Saint Servan mais pas loin, hum 150 F de vin, ça fait du bien, le retour est difficile mais pas trop euphorique, on se couche vers 1 AM. Dans le cadre de blague de potache, Axel a demandé à des charmantes inconnues "un peu" effrayées par l’arrivée tardive de ce dernier à une heure tardive.

Vendredi 05/07

Nous avons planifié la visite du Mont Saint Michel, nous partons tôt, car il faut faire 50 kilomètres de route côtière environ. On arrive en deux heures, beaucoup plus tôt que prévu, petite frayeur pour le déjeuner (laquelle, je n’ai plus de souvenir). Nous visitons l’abbaye avec un très bon guide (vietnamien, ou de cette région d’extrême orient). Nous revenons sur un rythme beaucoup moins rapide, Axel et FH sont très fatigués (c’est un terme pudique !), le vent s’est levé et il fait un peu plus chaud, mais cela n’explique pas tout. En fait les deux gaillards sont HS (sans doute la très célèbre fringale des cyclistes ?).

Nous dînons de 2 litres de glace pour 4. Les teutonnes se retournent un peu étonnées de notre volume de nourriture (boufferie). Nous enchaînons par une grosse déconnade sous la douche (à grand coup de jets d’eau) pour la plus grande joie des teutonnes qui s’esclaffent. Il faut dire qu’il y a plus de 70% de filles dans l’auberge ! On s’amuse bien merci pour nous. Nous finissons par nous coucher vers 1 AM.

Samedi 06/07

Lever tardif, déjeuner à Dinard, matage de diverses beautés du paysage. Photo au retardateur sur une mer bleue extra, style Caraïbes ou Bahamas. Bridge au soleil, pour rester bien dans le ton local. Il faut se rappeler les naïades massant de gros porcs avec de l’huile solaire pour laisser une odeur de peau rissolée.

Le soir, nous enchaînons baby et bridge, on reprend les plaisanteries avec les allemandes. Deux commencent à rentrer dans notre chambre, on défend vaillamment le territoire français de l’envahissement du territoire, non mais ! Axel, décidément en grande forme depuis le coup de la douche commence à jouer du tabouret, nous échangeons des coups par plafond ou sol interposé. Nous finissons par descendre et Steffi nous attend, mais le veilleur est là !

Dimanche 07/07

Réveil tôt, Axel part, je l’accompagne à la gare, c’est triste enfin, il part pour sa PMS, ouaf, ouaf !

Messe et bonne bouffe pour 20 F par personne. Nous évitons le Grand Prix de France de Formule 1 à la télé, assistons au début de la finale des Internationaux de Roland-Garros. Nous partons à la plage à 3 pas avec FH mais avec André, un apprenti peintre. Coïncidence: deux filles font exactement les mêmes gestes que les nôtres avec quelques temps de retard. Il faut avouer qu’il n’y a pas vingt manières de se passer de la crème solaire. On prend des croquettes de poissons, puis on se balade sur la plage.

Grande pêche potache d’affaires en tout genre sur le balcon de dessous: maillots, serviettes en tout genre. Résultat, encore des allées venues d’allemandes et des rondes de veilleur de nuit noir(e) (astuce !), et on se couche très tôt (re-astuce): 1:30 du matin.

Nantes, Lundi 08/07

Les affaires ont été préparées et empaquetées hier soir, on n’est pas très frais, on récupère du chahut de la veille, on va chercher la bouffe: méga omelette délicieuse. Bonne partie de tennis avec JC, mais on termine avec des ampoules aux pieds, ce qui est assez normal vu l’état des chaussures.

On revoie les allemandes … on sait tout de leur emploi du temps et de leurs états d’âme. Dommage que l’on parte pour Nantes aujourd’hui, les affaires commençaient vraiment à prendre une tournure sympathique. On part, snif, snif et on oublie la carte des auberges de jeunesse. Le trajet en train est d’un ennui mortel avec deux changements. De plus, je traîne mon rhume et j’ai une poussée de fièvre, je grelotte un peu.

Arrivée difficile à l’Auberge des Jeunes Travailleurs, on a un peu cherché où cela se trouvait. Il fait plutôt chaud. La nuit s’annonce bénéfique pour moi mais bruyante pour mes colocataires, car le rhume provoque des ronflements.

Mardi 09/07

La nourriture prise était dégueulasse, j’oublie le menu. Nous avons visité le très beau château d’Anne de Bretagne, le Jardin des Plantes. Nous sommes passé à la banque. JC a failli sauter de fatigue sur son lit avec ses chaussures. On s’amuse toujours autant et comme dirait FH : "Oukaïdi, Oukaïda"

Il faut noter la blague suivante : "Tu mens comme tu respires et tu n’as jamais su retenir ta respiration bien longtemps."

Mercredi 10/07

Lever encore tôt, comme hier et sans doute demain. Nous allons visiter Le Musée des Beaux-Arts le matin. Il y a une superbe salle blanche centrale avec une sculpture noire moderne qui centre l’espace autour. C’est assez joli. Au détour des galeries où nous esclaffons sur certains prix, un portrait m’attire l’œil, c’est un très beau Ingres dont on a l’impression que la main va sortir du tableau. Ensuite, nous enchaînons sur le musée d’Histoire Naturelle, nous découvrons beaucoup, beaucoup d’oiseaux et quelques bizarreries génétiques dans du formol. Finalement, nous revenons faire une sieste et déjeuner au Restaurant Universitaire (RU).

Saint Brévin, Jeudi 11/07

Départ de Nantes relativement tôt et comme prévu. La randonnée jusqu’à Saint Brévin est assez facile. En fait, nous avons fait les soixante dix kilomètres environ sur un rythme très tranquille. Et ce ne fut pas trop dur. FH a cassé son moyeu de roue, il faut donc réparer. Nous avons profité de la plage de Saint Brévin les Pins pour bronzer, en fait c’est plutôt re-cramer. Dîner énorme avec un kilo de spaghettis délicieuses, il doit en rester 750 grammes tellement on a rajouté de condiments: Fromage râpé, sauce bolognaise.

Vendredi 12/07

Nous glandons tranquillement sur la plage de Saint Brévin l’Océan. Nous sortons le soir au Sphinx, c’est l’époque de Bronski Beat (?) et de nos danses skas avec JC. Retour vers 4 heures du matin.

Samedi 13/07

Le Pont de Saint Nazaire, direction la Baule, nous refaisons le coup de l’écrevisse, peaufinons notre bronzage. FH arrive même à être légèrement halé. Nous revenons rapidement, environ 35 kilomètres en 1 heure 1/4. Nous sommes lessivés, crevés, fatigués et morts de fatigue Nous sommes repassés au-dessus du pont très tranquillement, au ralenti. Raté super concert à la télé (?)

Saint Jean de Monts, Dimanche 14/07

Départ de JC, il a failli perdre sa montre en l’oubliant. Saint Brévin, son église et son marché sont les curiosités locales qui valent le déplacement (et ses plages). Départ après le saucissonnage. Nous faisons le trajet avec difficulté car nous avons toujours le vent de face. Finalement, nous parcourons les 70 kilomètres en 3 heures ce qui fait que l’on a fait plus de 20 kilomètres/heure. C’est quand même pas si mal, non ?

Lundi 15/07

Lever tardif, nous couchons en dortoir de 12, nous achetons beaucoup de nourriture et l’argent part avec … Dans le cadre des folles dépenses, nous en profitons pour voir Greystoke au cinéma.

Mardi 16/07

Lever de plus en plus tardif, mais heureusement un petit déjeuner très consistant nous remet d’aplomb. Visite du Luna Park, mais tout est fermé. Retour pour le déjeuner, puis visite de Sallertaine, ville que l’on peut oublier, sur le chemin du retour, nous repassons par le Luna Park pour voir les attractions. Nous mettons au point notre plan de bataille pour demain. Côté bilan, il faut signaler la perte d’une pompe par moi hier et de 100 francs par FH aujourd’hui.

Sables d’Olonne, Mercredi 17/07

Lever à 7 heures du matin pour aller à l’île d’Yeu, visite de cette île interdite aux voitures. C’est superbe, les paysages restent sauvages, les villages sont petits et présentent un moindre intérêt. C’est tout petit, on en fait rapidement le tour. Il ne faisait pas très beau et nous avons eu un peu de bruine. Le fort du maréchal est couvert d’herbe folle (presque en ruines), il sert de lieu pour des colonies de vacances! Le cimetière est très bien entretenu, j’ai été très ému devant la tombe, la pensée de l’histoire de cet homme si controversée. Il faut retenir ces petits chemins caillouteux et surtout que l’on peut louer sur place des vélos, ce qui est moins cher et moins contraignant que de les faire passer sur le bac ! Nous nous lançons dans une partie de ping-pong en retard. Nous avons encore fait une soixante de kilomètres.

Jeudi 18/07

Lever tard, parti tard, c’est implacable. Nous parcourons les premiers kilomètres lentement jusqu’à Saint Gilles. Nous sommes partis pour un aller-retour alors autant économiser les forces. Nous allons visiter le parc Aqualand de Saint Hilaire. C’est malheureusement, un Merlin Plage en construction, vraiment dommage, ça promet d’être beau dans le futur. Sur le retour, nous faisons un détour pour aller jusqu’à Saint Gilles, c’est assez beau, puis on a foncé à 25 kilomètres/heure pour se défouler un peu. J’ai réparé les sacoches de vélo dont les attaches ont la fâcheuse tendance à se dévisser. Visite de la bibliothèque, où j’aperçois une jeune fille passionnée par un essai sur la sexualité de S. Freud, petite vicieuse … Retour à l’Auberge avec les provisions achetées sous la pluie. Demain, c’est le départ pour La Rochelle. Ce soir, on dort sous la tente, après une partie de tarot jusqu’à minuit.

La Rochelle, Vendredi 19/07

La journée commence mal. Au moment où l’on veut partir, il pleut une grosse demi-heure. Nous retardons le départ, mais les vélos sont mouillés. Les sacs sont mis en place, le départ final a lieu à 11:30. On roule bien … Vers 13:15, je veux m’arrêter pour bouffer mais finalement, on continue sur la lancée. Sur les petites routes, les villages s’espacent et vers 14 heures, tout est fermé. Enfin, ça va, car on traverse les anciens (?) marais salants le vent dans le dos et cela nous aide bien. Depuis le temps que l’on attendait cette aide. Moi, je sens un peu la fatigue quand même. On s’arrête une ou deux fois pour se désaltérer et pour suivre les conseils de papa, je prends du sel (ce sont nos seules provisions car nous voulions rouler léger). Je maudis intérieurement FH, mais comme il n’y a plus de villages alors on continue … je suis encore en état de rouler et comme on n’est plus qu’à 25 kilomètres de La Rochelle, autant continuer. Subitement, la route fait un angle droit et le vent qui nous poussait, devient insidieusement un vent de côté (et un peu trop) de face. Ca me coupe littéralement les jambes, je force sur le vélo, mais c’est pitoyable, on se traîne sur les routes. Nous n’avons pas de village prévu sur la carte avant 10 bons kilomètres. Ca fait maintenant plus de 3 heures et demi que l’on est sur ces vélos et ce p… de vent n’aide vraiment pas. On n’avance vraiment plus, je descends les vitesses pour essayer de me relancer, mais j’arrive finalement à court de vitesse. Je mouline, finalement, après avoir fait plus de 3 arrêts en moins de 15 kilomètres, on décide de faire une pause dans l’herbe d’un champ. On s’endort tranquillement pendant près d’une heure. Même reposé, on a vraiment du mal à lutter contre le vent pour terminer les derniers kilomètres. Au premier village rencontré (Villelousa), à la première épicerie, on achète et dévore une plaque et demi de chocolat par personne. Grâce à l’aide de cette énergie, je repars de plus belle. FH lui est KO ou dort encore, il se mange un trottoir sans gravité. L’arrivée dans La Rochelle est euphorique, une fois le panneau de la ville passé.

On est vraiment mort, quel p… de vent. Vraiment, sans le vent, cela aurait été une promenade de santé. Réservation à l’Auberge de Jeunesse et nous partons à la Gare récupérer le correspondant américain de FH, tout fraîchement débarqué de Roissy. Il est très sympa. Nous prenons finalement la douche que j’attends depuis 150 kilomètres. Ca fait du bien. Nous végétons devant des programmes TV débiles pendant 2 heures, en fait on discute de tout et de rien avec les autres légumes. La TV n’est qu’un bruit de fond sonore. Il y avait même Chantal Goya (à la TV) pas parmi les spectateurs. Enfin, on est arrivé mais quelle galère.

Samedi 20/07

Quelques musées, dégustés quelques pâtisseries. Encore des musées, retour à l’Auberge et nous écrivons quelques cartes. Les comptes s’alourdissent.

Dimanche 21/07

Messe, Musée Océanographique et musée de la seconde guerre mondiale. Encore des cartes postales, nous déjeunons de quelques sandwichs (économies ?) avec mon couteau suisse pour trois et pas de cuillère pour les yaourts. Le soir, pour contrebalancer, nous allons au restaurant chinois, il est OK.

Saintes, Lundi 22/07

Lever tôt, nous partons après un petit déjeuner long à prendre à cause de la queue. Départ dans les banques. On ne peut encaisser le chèque à la BNP. De plus le Crédit Agricole est fermé. Entre temps, j’ai couru à la poste pour acheter des timbres. Les cartes sont parties. Retour à la case départ, il est 10:30. Le voyage commence. Mais FH a oublié son cadenas … on fait demi-tour et 30 minutes plus tard on est reparti … on a aussi oublié les cartes. Cette fois, on ne fait pas demi-tour. Ensuite, David malade comme un chien (il a la tourista) enchaîne ennui de dérailleurs les uns à la suite des autres. Il a vraiment la poisse, il avait crevé son pneu hier.

Nous visitons Brouage, nous en profitons aussi pour faire une pause. David traîne la patte un peu. A vingt kilomètres de Saintes, je fonce acheter de quoi faire un solide dîner: des pâtes pour changer ! On se retrouve sur le parking alors que je sors du magasin. Je remarque que j’ai crevé. Je change la chambre à air ce soir. David est vraiment lessivé. Nous ça va, on a plus l’habitude et on n’est pas fatigué par le décalage horaire d’un vol transatlantique.

Cognac, Mardi 23/07

La bouffe n’était pas super : des pâtes avec une sauce pas assez liquide. On visite Saintes à deux FH et moi. David est encore malade. Nous arrivons à Garde-Epée, comme des guerriers glorieusement crasseux. David va mieux et est resté stoïque sur sa bicyclette. Nous avons perdu la clef du cadenas sur le trajet!

Là s’arrête le périple en vélo, personnellement, j’aurais bien continué, c’était assez amusant et tellement changeant. Mais FH en avait assez et en plus David était encore un peu souffrant. Quel dommage !

J’espère pouvoir me relire ce sera mon dernier mot.

Biarritz, Mercredi 25/07 ...

J’ai malheureusement arrêté mon journal de bord. Les journées à Garde-Epée se passent dans une atmosphère cool de glande agrémentées de parties de tennis si ce n’est acharnées du moins fatigantes. La chaleur n’aide pas. Piscine le matin, pour se détendre avant le tennis. Il faut aussi se rappeler de la correspondante anglaise Marianne en larmes d’être perdue au milieu de la France que David tente de consoler. Finalement, elle partira au beau de 15 jours, trop triste. On n’épiloguera pas sur des conversations sur tout et rien qui percent les nuits.

Arrivée à Izarra, la maison est dans un état indescriptible. Saleté et travaux constituent le quotidien. Enfin, il ne faut pas oublier la plage et les orgies à l’auberge de Curutcheta avec les menus à rallonge, à Arcangues, ou à la concha.